Première difficulté - Réalité et imperfection de la justice humaine

Une allégorie, on le sait, est la représentation imagée, ici personnifiée, d'une idée complexe. Une allégorie représente même une Idée (avec majuscule), au sens d'une perfection qui n'existe qu'en pensée, et qu'on ne trouve jamais tout à fait réalisée dans l'expérience (voir la perle sur  Idéal/Réel). 

D'un côté, l'Idée absolue de la justice n'a-t-elle aucun début de réalisation dans la réalité du monde humain, dans l'État ? Non ! Loin de là : la justice est d'abord pour le commun des hommes ce qui est conforme au droit tel qu'il existe dans la loi, dans l'institution de la justice légale, quels que soient ses défauts dans la façon dont les individus rendent la justice.

Ne faut-il pas d'abord partir de la façon dont le droit est effectivement mis en œuvre, institué par l'État ? N'y a-t-il pas des lois pour organiser avec justice la vie de la société dans l'État, et même une loi fondamentale pour organiser avec justice aussi la vie et le pouvoir de l'État lui-même, en organisant la répartition des magistratures ? Si la loi est nécessaire mais non suffisante pour rendre la justice, le système judiciaire ne sait-il pas la compléter par l'équité ? 

Or, d'un autre côté, la véritable justice, dans toute la perfection de son Idée, est-elle réellement accessible à l'humanité ? Les êtres humains ont-ils la capacité d'être justes, vertueux ? Dans les États que nous avons formés, même avec toutes les ressources de la loi et du droit, pouvons-nous faire régner la justice, ou bien au mieux seulement une forme d'ordre et de paix, tous deux injustes et imparfaits ?